Les seconds vins, Késako ?

Les seconds vins, Késako ?

Cette notion de « second vin » vient tout droit de chez nos amis Bordelais, ce sont des vins produits sur le même terroir que celui du château mais en modèle réduit. On retrouve en effet des caractéristiques similaires avec leurs aînés mais avec un peu de « moins » en tout : moins de complexité, moins de puissance, moins de persistance, moins de finesse, moins d’aptitude à la garde. Acquérir un second vin, c’est donc déjà faire entrer dans sa cave un peu de la magie des très grands vins souvent inaccessibles, le prix en moins. 

Tradition ancienne ou stratégie marketing ?

Le « second vin » n’est pas une innovation récente. Le château Léoville Las Cases a inauguré le sien (Clos du Marquis) en 1902, suivi de Château Margaux (Pavillon Rouge du Château Margaux) en 1908.  Le Château Pichon-Longueville a même trouvé dans ses archives un relevé d’envoi de son second vin (Les Tourelles de Pichon Longueville) à l’Exposition de Moscou en 1874 !

Dans les années 1980, l’existence d’un second vin s’est généralisée, lorsque les prix des grands bordeaux ont commencé à flamber. Depuis les années 90, presque tous les châteaux de Bordeaux (Grands Crus et Crus Bourgeois) autant sur la rive Droite (les appellations Saint-Émilion ou Pomerol) que sur la rive Gauche (Margaux, Pauillac, etc.) ont opté pour le lancement d’un second vin et même d’un troisième vin pour certains.

Aujourd’hui les seconds vins se définissent par une sélection suivant les parcelles et non comme un trop plein produit. Les cuvées moins qualitatives sont vendues en vrac au négoce anonymement qui en font des vins de marque mais en aucun cas elles ne sont introduites dans les seconds vins. Cependant, lorsqu’un millésime exceptionnel comme 2009 ou 2010 permet une production de vin en quantité et en qualité, il arrive que certains châteaux produisent un troisième vin.

Il y a quand même bien un peu de marketing derrière tout ça, l’idée étant de façonner un vin produit sur le même terroir que celui du château à un prix plus accessible. On peut considérer cette approche comme une stratégie marketing d’initiation à la marque. 

Second vin donc seconde qualité ?

Il existe bel et bien des nuances entre le premier et le second vin du château, mais la principale différence ne se situe pas sur la qualité du raisin mais plutôt sur la provenance. En général, pour la production du second vin il existe trois grandes options.

D’abord, il peut être issu des parcelles sur lesquelles sont plantées les vignes les plus jeunes du château. Il arrive également que le second vin provienne de parcelles spécifiques qui lui sont dédiées, et qui n’entreront jamais dans la composition du premier vin. C’est le cas du Clos du Marquis (Château Léoville Las Cases), des Tourelles de Longueville (Château Pichon Longueville Baron) ou d’une partie des Forts de Latour (Château Latour).

Enfin, le second vin peut provenir de vignes, ou de barriques initialement destinées au premier vin, mais qui ont été déclassées, pour cause de maturité insuffisante par exemple, ou de réussite moindre d’un cépage, une année donnée. C’est cet aspect-là qui fait craindre à certains puristes que la qualité se révèle moins élevée que celle de certains vins « non classés », ou de certains crus Bourgeois vendus au même prix. En effet, la sélection est parfois sévère : dans certains millésimes, les châteaux n’hésitent pas à écarter la moitié de leur production, voire plus, afin de ne réserver que le meilleur au premier vin.

Cependant, attention aux caricatures et aux jugements hâtifs : les raisins vraiment « indésirables », eux, ne font pas partie du second vin, et sont en général revendus au négoce. Un second vin est bien un vin à part entière : qu’il s’agisse du travail à la vigne, de la vinification ou de l’élevage, le soin qui lui est porté est le même.

Comment reconnaît-on un second vin de Bordeaux?

Un second vin ne se cache pas, au contraire. Il porte généralement une partie du nom de son aîné, de façon à reconnaître au premier coup d’œil leur lien de parenté. Cependant, il ne peut pas porter le nom de « château », réservé au premier vin. Si vous lisez Amiral de Beychevelle, vous l’associerez immédiatement au Château Beychevelle, si vous voyez une bouteille de La Dame de Montrose, vous l’identifierez comme le second vin du Château Montrose, etc…

A noter, certains crus commercialisent leur second vin sous l’étiquette d’un autre château dont ils sont également propriétaires. C’est notamment le cas du Château Moulin Riche, dont les vingt hectares de vignes, implantés sur des croupes de graves profondes et de sable éolien, concourent à l’assemblage du second vin de Léoville Poyferré (Pavillon de Léoville Poyferré), auquel ils apportent les caractéristiques d’un terroir magnifique.

En conclusion, belle affaire ou fausse bonne idée ?

Les deux mon capitaine, belle affaire [pour sur !] car avec ces seconds vins vous allez pouvoir apprécier toute la grâce et l’élégance des très grands vins, approcher le Graal sans pour autant payer le prix fort. Cependant c’est aussi la que se cache la fausse bonne idée car  ces références sont entrées dans la catégorie des vins ciblés par les marchés internationaux, donc hautement spéculatifs. Carruades de Lafite avait ouvert la voie depuis 2010 déjà. Pavillon Rouge de Château Margaux et des Forts de Latour lui emboitent le pas. Mais attention, la folie des enchères n’atteint pas encore tous les seconds vins.

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